LES NETTOYEURS DE TUYERES ET DE CHAUDIERES
Les chaudières et les conduites des souffleries s'encrassent très rapidement: la paroi intérieure des chaudières se couvrent de tartre, dépôt calcaire laissé par les eaux. La présence de tartre est dangereuse, car elle dissimule les fissures qui se produisent dans les chaudières par suite du décollement des rivets. Il faut que des ouvriers pénètrent dans les appareils pour les nettoyer. 
 
Le travail dans les chaudières est un rude travail. On retire le feu et l'ouvrier entre dans la cuve par le trou d'homme aménagé à cet effet.  
La chaudière est encore brûlante, car le fonctionnement de l'usine ne permet pas qu'on la laisse longtemps hors de service: le temps juste nécessaire pour qu'on puisse y tenir sans être échaudé ou asphyxié. Bien plus: les générateurs voisins qui flanquent la chaudière à droite et à gauche sont en pleine activité alors que l'ouvrier se mets au travail: ils communiquent leur chaleur à la chaudière en nettoyage. 
 
Armé de sa tranche, outil à piquer le tartre, l'ouvrier couché sur le flan ou étendu sur le dos - la hauteur de la chaudière ne lui permet pas d'autre position - attaque la couche calcaire qui se détache assez facilement. La poussière tombe sur l'homme que rien ne protège, les parois brûlent, il étouffe et doit sortir après quelques minutes de travail, pour rentrer à nouveau.  
 
Pour nettoyer les conduites, les ouvriers s'arment de raclettes. Des gaz méphitiques imprègnent encore l'atmosphère durant le travail, provoquant de nombreux malaises et de graves indispositions. 
 
Il arrive - par suite de négligence dans l'entretien ou d'accidents survenus aux appareils - que les gaz du haut-fourneau pénètrent à profusion dans les conduites pendant que peinent les nettoyeurs. C'est le retour de gaz qui tue sans merci les ouvriers. 
 
Les nettoyeurs gagnent 7,50 F par jour. Ils meurent jeunes. On ne put nous en montrer qui avaient dépassé la quarantaine. Mais on nous fit voir, en revanche, des nettoyeurs italiens qui n'avaient que seize ans.