Le terrain ferrugineux comprend en général 4 couches: la terre végétale, la terre forte, la pierre blanche et le minerai.
Le terrain acheté, la Compagnie charge un tâcheron de mettre un filon à découvert. Il y transporte sa maison, un baraquement fait de planches mal jointes qui servira à la fois de cantine, de dortoir, de réfectoire pour les terrassiers et de burau pour le réglement des comptes. Le tâcheron embauche des hommes et , dans la plupart des cas, avec le souci de tout tâcheron-cantinier: il engage de préférence des célibataires, afin de les héberger et d'éviter tout paiement en argent.
Le tâcheron reçoit de 1,25 F à 2 F par mètre cube de déblais. il paie à ses hommes 0,40F à 0,50 F par heure de travail. Il les nourrit, les loge, leur vend même des vêtements. Le coût de la nourriture et du logis n'est pas fort supérieur, en général , aux prix courants dans les villages voisins, mais la consommation d'alcool qui se fait sur ces chantiers est effroyable, et c'est à fournir l'alcool que le tâcheron grossit son pécule. Sur le lieu de travail, en pleine besogne, l'alcool circule, sans qu'il soit nécessaire au travailleur de le demander; celui-là même qui serait tenté de le refuser, risquerait de perdre sa place. En s'embauchant, le terrassier contracte à l'égard du tâcheron l'engagement moral de s'alcooliser régulièrement. Et de quel alcool! Un tord-boyau - importé le plus souvent en contrebande du Luxembourg - dont on consomme au moins un quart de litre à la fois: un quarelli, c'est la mesure courante servie pour cinq sous dans les auberges de la frontière.
....
La déchéance et la misère de ces hommes sont extrêmes. Un détail en donne bien l'idée. Chacun d'eux possède une seule chemise - à de rares exceptions près. Ils vont ensemble la laver le dimanche matin , dans l'eau chaude qui s'écoule autour des tuyères du haut-fourneau. Ils demeurent le buste nu pendant que la chemise sèche, puis impatient, chacun endosse le linge encore humide et retourne à la cantine.
Le métier est avantageux pour les tâcherons puisque nombre d'entre eux, sans cesser d'occuper leurs baraquement de carrière en carrière, édifie de solides maisons de pierre dont ils tirent des revenus.
La terrasse achevée, la couche de roc minier mise à nu, les mineurs à découvert prennent posssession de la carrière. Ils font sauter à la poudre en gros grains et à la dynamite les blocs de rocher, cassent le minerai et en chargent des wagonnets qui sont ensuite conduits aux réservoirs-accumulateurs des hauts-fourneaux ou aux wagons-réservoirs, à destination des usines lointaines.
Le mineur choisit l'emplacement le plus favorable au coup de mine, car il ne s'agit pas de faire parler la poudre au petit bonheur , mais d'ébranler la masse de rocher la plus étendue qu'il est possible. Il creuse , à l'aide d'une barre d'acier terminée en ciseau, un trou parfaitement cylindrique qui n'a jamais moins de 35 cm et qui descend parfois à deux mètres de profondeur. Il y verse la poudre ou y enfonce la cartouche de dynamite. Puis, il introduit la mèche qu'il laisse dépasser de 25 centimètres. La poudre est tassée par une bourre faite de fin minerai fortement comprimé. Le feu est mis à la mèche, les mineurs s'éloignent. Un coup sourd retentit: les mineurs s'approchent. Mais parfois , la détonation ne retentit pas; las d'attendre les mineurs reviennent pour examiner le coup de mine défectueux. Ont-ils coupé la mèche en enfonçant la bourre?
Dans ce cas, il faut vider la cavité et la remplir à nouveau de poudre, après y avoir placé une mèche neuve. Mais il arrive que - pour une cause souvent mal définie - le feu ne s'est propagé que très lentement le long de la mèche. Il atteint la poudre alors que le mineur se penche pour vérifier son coup de mine. L'homme lancé en l'air par l'explosion, ou broyé par les blocs de roche, ou entrainé au fond de la carrière par la chute des rochers, échappe rarement à la mort.
.......
Suivant la qualité du minerai, le mineur reçoit de 1 F à 1,25 F la tonne. Il peut extraire 10 à 16 tonnes par jour ou par nuit, selon les difficultés de l'extraction. Sur la somme qui lui est allouée, il paie:
poudre: un litre et demi à 1,50 F le litre ................................................. 2,25 F
mèche: ...................................................................................................... 0,20 F
Carbure ( pour la lampe à acéthylène) ................................................... 0,25 F
Salaire du manoeuvre .............................................................................. 5,50 F
Total ......................................................................................................... 8,20 F
La journée du mineur ressort donc de 6,75 F à 7,25 F net.
Une minière à Hussigny-Godbrang .où il y en avait au moins cinq .
Photo: archives Aimé Tarnus.
Détail de la photo précédente.
Les chevaux étaient encore très utilisés à cette époque.
Détail de la première photo .
Remarquez la présence de femmes qui venaient apporter le casse-croute aux ouvriers et n'hésitaient pas à mettre la main à la pâte pendant que leur compagnon se restaurait.
Visite d'une minière par des écoliers
Photo: archives Aimé Tarnus